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vendredi 6 mars 2009

Chez Jeannot



« Comment ? Tu n’es pas encore allé chez Jeannot ? »

Et bien non ! J’étais dans le village depuis deux mois à peine et je n’avais toujours pas rencontré Jeannot. Et à force d’en entendre parler, j’étais même intimidé par la simple idée de me retrouver face à cet incontournable personnage du village. J’ai fini par passer chez lui après un rendez-vous organisé par une tierce personne, un dimanche matin, pour faire une balade en VTT. Il faut dire que ça m’arrangeait bien, je ne connaissais pas du tout les forêts alentours et l’idée de me perdre dans le massif vosgien ne m’enchantait guère.

Il avait une bonne tête Jeannot et puis il riait facilement. Il m’est apparu sympathique tout de suite, il n’y a que son vélo qui me faisait un peu pitié. La balade s’est révélée fort agréable. Déjà il ne roulait pas vite, mais en plus il connaissait le moindre chemin, la moindre pierre, le moindre rond de champignons. Au fil de la montée, il me désignait ici une source claire, là une tourbière secrète ou là encore les ruines de la ferme de la vieille Mogotte. Tout ça sentait bon le terroir et l’histoire locale…

Du coup, j’y suis retourné souvent chez Jeannot. Il faut dire que chez lui, la cafetière est toujours sur le coin du gaz. Et puis Jeannot, c’est le garagiste du village et peut-être le dernier garagiste de village du monde. Et comme dans le village il n’y a plus ni bistrot ni commerce, les hommes se donnent rendez-vous chez Jeannot, dans son garage. Ca se rassemble autour du vieux poêle à bois et ça refait le monde. Et Jeannot, entre une vidange, un joint de cardan et un radiateur, il écoute tous ces bavardages. Depuis qu’il n’y a plus de curé dans le village, les gens vont chez Jeannot comme ils vont à confess… Il y a toujours du monde chez Jeannot, à croire que le village est le théâtre de tous les pêchés du monde. Il n’y a que quand il doit faire une courroie de distribution qu’il aime être tranquille, alors dans ce cas, et uniquement dans cas, il ferme la porte du garage…

Il règne dans le garage de Jeannot une ambiance particulière. Les lumières qui traversent les vieilles vitres pas souvent propres donnent aux vieux outils accrochés aux murs des reflets particuliers. D’ailleurs à propos d’outils, dans le garage de Jeannot c’est un peu le choc des générations. L’antique tour à courroies, la vieille perceuse à colonne, les tourne à gauche en bois et autres vieilles clés hors d’usage côtoient un ban d’équilibrage électronique quasiment neuf et les toutes dernières clés à cliquet. Parfois, j’aurais bien envie de fouiner dans tous ces vieux tiroirs qui doivent receler des objets mystérieux mais je n’ai jamais osé. Par contre, mon gamin y a déjà trouvé une belle collection de billes parmi tous les roulement hors d’usage qui débordent d’une caisse en carton. C’est vrai que mon gamin aussi, il adore aller chez Jeannot.

Jeannot, il est garagiste depuis qu’il est tout petit. J’ai cru comprendre qu’il avait repris la suite de son père. Il a commencé à bosser tôt, et c’est même pas sûr qu’il ait tout le temps cotisé comme il fallait. Il paraît que parfois il s’inquiète un peu pour sa retraite. Certains jours, quand on arrive devant le garage, la porte est grande ouverte mais on n’entend ni le compresseur ni le bruit de la clé à choc, alors on se dit « tiens ! Il doit être au café avec un ramuzou… !! ». On jette un œil par la fenêtre de sa cuisine et on ne voit personne… Alors on passe son chemin ! Faut pas l’embêter ! A coup sûr il est derrière le garage. Chut ! C’est un secret ! Faut le dire à personne mais Jeannot, la mécanique il aime pas trop. Son truc c’est plutôt le jardinage. Quand il en a marre des soupapes et des culbuteurs, il file dans sa serre et s’occupe amoureusement de ses plantes. C’est une vraie encyclopédie vivante sur tout ce qui peut sortir de terre. Devant chez lui, il y a la plus belle collection de bruyères que j’ai jamais vue… Quand on regarde les mains de Jeannot, on croit qu’elles sont noires, et bien c’est pas vrai du tout. Les mains de Jeannot elles sont vertes. Pas étonnant que tout le monde l’aime bien Jeannot. Quand on aime la nature comme lui, forcément, on aime les gens.

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